En période de nidification, les manchots à jugulaire semblent se reposer presque exclusivement grâce au micro-sommeil. Au lieu de dormir la nuit pendant plusieurs heures, ils multiplient les microsiestes tout au long de la journée, pour protéger leurs œufs et leurs petits des prédateurs.
Une étude hors du commun
Jusqu’ici, la plupart des études sur le sommeil de ces oiseaux avaient été conduites sur des manchots captifs, et aucun chercheur n’était parvenu à mesurer les ondes du sommeil de manchots dans leur milieu naturel. Mais en décembre 2019, Won Young Lee, biologiste marin à l’Institut coréen de recherche polaire, a embarqué avec lui Paul-Antoine Libourel, ingénieur de recherche et écophysiologiste du sommeil au centre de recherche en neurosciences de Lyon, afin de réaliser une expédition en antarctique, sur la petite île du Roi-George.
Ils ont équipé vingt manchots adultes avec un dispositif permettant d’enregistrer l’activité cérébrale, le tonus musculaire et les mouvements de ces oiseaux en continu pendant plusieurs jours. Une fois équipés, les manchots ont été relâchés dans la colonie, puis recapturés dix jours après afin de récupérer les données. Et les résultats étaient pour le moins surprenants !
Le manchot dort jusqu’à 10 000 fois par jour
L’équipe de chercheurs a découvert que le manchot à jugulaire dormait par sessions moyennes de quatre secondes. L’animal enchaîne ainsi environ 10 000 siestes par jour, pour un total de onze heures de sommeil quotidien. Ces microsiestes surviennent de jour comme de nuit, et ce, quelle que soit l’activité des individus sur terre, y compris pendant la période d’incubation des œufs.
Les manchots présentaient une activité de sommeil caractéristique des oiseaux : ils connaissent des états de sommeil lent et quelques épisodes de sommeil paradoxal.
En cause ? La pression de prédation et la fatigue
Parmi les plus grands prédateurs du manchot à jugulaire, on peut notamment citer le labbe antarctique (Stercorarius antarcticus), un oiseau qui établit son nid à proximité des colonies de manchots.
L’animal a l’habitude de rôder et d’attendre que les manchots s’absentent pour voler les œufs, voire les poussins. C’est bel et bien cette pression de prédation qui impose aux manchots de maintenir un haut niveau de vigilance permanent, et d’opter pour les micro-siestes, plutôt que pour un long sommeil.
En outre, selon l’étude, les manchots à jugulaire dormiraient un peu plus longtemps lorsqu’ils sont de retour sur la terre ferme après une session de plongée à la recherche de nourriture. Dès lors, le micro-sommeil pourrait être en réalité une stratégie d’adaptation à court terme pour les parents qui sont fatigués.
Ces micro-siestes ont-elles un impact sur la santé des manchots ?
Si vous vous êtes déjà brièvement endormi dans le métro, en lisant, ou en regardant la télévision, vous avez expérimenté la micro-sieste. Ces phases de micro-sommeil surviennent en cas de fatigue et d’épuisement, mais sont loin d’être suffisantes pour que le sommeil soit vraiment réparateur pour nous.
Si chez l’humain le manque de sommeil entraîne toute une série de problèmes de santé, on ignore si c’est aussi le cas chez les manchots. A l’avenir, l’un des défis des chercheurs sera donc de comprendre quel est l’impact du micro-sommeil sur le cerveau et le corps des manchots.
A lire aussi :